Les adolescents sont les personnes qui mettent le plus de choses sur les murs. Des photos et des mots. C’est que l’adolescence est un temps où on est sans visage clair. L’ancien visage princier d’enfance est fané, du moins on croit qu’il est fané et ça revient au même. Le nouveau visage, celui de l’homme ou de la femme qu’on sera, n’est pas encore disponible, et on n’est pas sûr d’en vouloir.
Alors on cherche au dehors dans les revues, dans les photos d’acteurs, de chanteurs ou de sportifs, on essaie des visages comme on essaie des vêtements, aucun ne va, tant pis, on recommence, on déchire, on découpe, on finira bien par trouver. C’est une recherche qui prend un temps fou. C’est une recherche qui connaît de longs temps de repos.
Un jour on quitte les parents, ou l’argent vient et on est adulte – c’est-à-dire on imite les adultes, ce qui fait qu’on en devient un. On ne colle plus d’affiches ni de phrases sur un mur, on accroche quelques reproductions de peintures. On croit ne plus chercher un visage, on le cherche encore sans savoir : quand on lit Shakespeare ou quand on contemple une couleur dans le ciel, c’est toujours avec l’espérance d’y trouver notre vrai visage. Quand on tombe amoureux c’est pareil, sauf que là on est au plus près de découvrir enfin la pureté de nos traits, là, sur le visage d’un autre. …