C’est toujours la nuit dans les livres et le visage du lecteur s’en ressent quand il entre en rêverie, dissolvant le peu de corps que le monde alors réclame, le peu de lumière vacillante qui persiste encore, quand il pénètre tout entier, par cercles, dans l’eau noire d’un lac, descendant continûment les marches lourdes d’un escalier invisible, bien au-delà de tout rappel d’être, de toute reprise possible alors que vous savez pertinemment qu’il n’y aura plus de lendemain, de retour d’aube, que les mots qui reposent au fond de cette encre sont plus lisses que des galets, qu’ils ont la rondeur et le tranchant des pierres sacrificielles, de celles qui ouvrent le front en étoile, qui accomplissent cet étrange meurtre, cette blessure croisée qui indique un point hors du langage, où parler devient se taire et se taire parler, où les mots de l’amour sont l’amour même et non plus son appel, et non plus sa demande.