C'est un boulevard plein de charme, mais quand vous cherchez à voir de quoi est fait son charme, vous ne trouvez rien que la laideur. Laideur de l'industrie, laideur du raisonnable et de l'utile. Aux deux extrémités du boulevard, l'usine du Creusot. Elle est ici partout chez elle. Elle a grandi suivant sa propre nécessité, et la ville s'est collée aux flancs comme un petit animal parasite d'un plus gros. A une fin du boulevard, des bureaux. A l'autre fin, une statue d'un ancien propriétaire de l'usine. Il tient un plan de la ville entre ses mains. Il a un nom froid, dur. Un no d'objet métallique : Schneider. Entre les deux extrémités du boulevard, des commerces abstraits : banques, mutuelles, pompes funèbres, mairie. Argent, cadavre, Etat. Et puis des platanes. C'est peut-être d'eux que viennent le charme de ce boulevard. Peut-être aussi des écoles proches. Les cris des enfants à midi et la belle écorce blanche grise des platanes suffisent à sauver ce lieu de son ennui, de l'ennui de son utilité.