En volant un baiser à Louise Amour, j'avais cru que mon âme poussée par ma langue, franchissant la barrière nacrée des dents de la jeune femme et traversant la muraille lumineuse de son sourire, se saisirait de son âme à elle- comme en moins d'une seconde on rafle un bijou précieux après avoir brisé d'un coup de masse la vitrine qui le protégeait. Ce fut tout le contraire : je me retrouvais vidé de mes forces, défait par ma victoire. En ne m'opposant aucune résistance, Louise Amour avait fait éclaté ma volonté. Ses lèvres, écrasées par les miennes, avaient libéré un enivrant parfum de framboises. Il me parut aussitôt que toute ma chair en était imprégnée et que ce parfum, avec le nom de sa donatrice, envahissait l'univers entier, était désormais cet univers. J'avais cru la surprendre. Je n'avais fait que me soumettre à son inertie triomphante.