La maison de mon oncle, une incroyable bâtisse tout en fenêtres et en escaliers, on se sent bien rien qu'à la voir. De sa cuisine, il peut entendre chaque jour le chant d'un oiseau en cage chez le voisin du dessous. Et un jour, plus de chant. Il se penche à la fenêtre, regarde, comprend : l'oiseau chantait quand il était pris dans un rayon de lumière, et ce rayon lui arrivait du soleil en ricochant sur la fenêtre de la cuisine. Alors il pousse doucement la fenêtre, il la remet à sa bonne place, jusqu'à entendre le chant ressuscité. C'est une scène du film. Elle dure, quoi, cinq secondes. Vous n'avez jamais trouvé, nulle part dans aucun livre, une plus juste description de la lecture, de sa magie intime : les livres sont comme la maison de mon oncle. Les phrases y sont autant de fenêtres. Suivant leur inclination, leur ouverture, elles attrapent la lumière et la renvoient sur le coeur en cage, jusqu'à le faire chanter. C'est une opération délicate. Il y faut beaucoup de doigté et d'attention.