Le temps perdu est comme le pain oublié sur la table, le pain sec. On peut le donner aux moineaux. On peut aussi le jeter. On peut encore le manger, comme dans l’enfance le pain perdu : trempé dans du lait pour l’adoucir, recouvert de jaune d’oeuf et de sucre, et cuit à la poêle. Il n’est pas perdu, le pain perdu, puisqu’on le mange. Il n’est pas perdu, le pain perdu puisqu’on y touche à la fin des temps et qu’on y mange sa mort, à chaque seconde, à chaque bouchée. Le pain perdu est le temps abondant, nourricier.
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Christian Bobin
@christianbobin.fr