L'odeur de miel me soûle en traversant le pont. Elle peint à la feuille d'or les alvéoles de mes poumons. Mon hôte qui me raccompagne à la gare de Strasbourgest un homme sensible. Il me montre les ruches alignées sur la berge en bas : la ville abandonne cet espace aux abeilles meilleures ouvrières de France. Je me penche, je regarde : les ruches, collées par cinq ou six les unes aux autres, ressemblent à des cercueils - les plus espérants que j'aie jamais vus. Elles dégagent une odeur de sainteté. Ce sucré de la fleur c'est comme l'enthousiasmante odeur de pain chaud - quelque chose qui indique une porte ouverte du paradis, et même : aucune porte. L'ouverture absolue.
Nos coeurs sont ces cercueils d'abeilles. La lumière des jours s'y métamorphose à notre insu en sentiment inexplicable que vivre vaut la peine, toute la peine.