Cher petit merle, j'aurais voulu t'écrire à l'instant de ton apparition, mais je ne suis maître de rien : le téléphone à sonné,
…
Tu es resté dix secondes devant la fenêtre. C'était plus qu'il n'en fallait.
Dieu faisait sa page d'écriture, une goutte d'encre noire tombait sur le pré. Tu étais cette tache noire avec un rien orangé, le grand prêtre de l'insouciance, porteur distrait de la très bonne nouvelle : la vie est à vivre sans crainte puisqu'elle est l'inespéré qui arrive, la très souple que rien ne brise.
Dix secondes et tu as filé au ras de l'herbe jusque dans les bois, à l'autre bout de mes yeux.
…
Ta joie – insouciance –, petit merle, est passée de mes yeux à mon sang et de mon sang à ce papier qui me sert à t'écrire cette lettre. L'adresse ? Quelqu'un la trouvera, c'est sûr. Quelqu'un ou quelque chose te dira que j'ai écrit cette lettre pour toi.
Adieu camarade. Je te souhaite la vie belle et aventureuse. Tes dix secondes ont résumé toute ma vie.