Je pris le poème des mains de mon ami. Pour lire un roman, il faut deux ou trois heures. Pour lire un poème, il faut une vie entière. J’étais loin d’avoir une parfaite intelligence de ce texte, mais il n’est pas indispensable de tout comprendre d’une chose pour l’accueillir entièrement. Il me sembla que pendant ma lecture beaucoup de nuages roulèrent dans le ciel, beaucoup d’étoiles apparurent et disparurent, plusieurs jours et plusieurs nuits passèrent. Quand je relevais la tête de ma feuille, mon ami n’était plus là. Je l’appelai, je le cherchai partout, en vain. Le pré était vide. Je devinai que c’en était fini de nos entretiens et que je ne le reverrais plus.