La poignée en cristal de la porte du paradis, en t'écrivant j'arrive presque à la tourner. Presque. C'est assez beau, cette vie où on ne peut rien faire qu'échouer, tu ne crois pas ? Le manque est la lumière donnée à tous.

J’ai vu un jeune boxeur jouer du piano. J’ai vu un œuf de caille dans l’herbe. J’ai vu un chat couvrir de brindilles la dépouille d’une souris. J’ai vu Mandelstam courir tout Moscou pour défendre cinq vieillards condamnés à mort. J’ai vu un assassin dont le cœur était un rubis. J'ai vu un pain trempé par la pluie appeler au secours. J’ai vu des liserons s’agripper à une barrière comme des prisonniers à leurs barreaux. J’ai vu un bébé offrir le trésor d’un gâteau écrasé dans sa main sale. J’ai vu la huppe maçonner son nid avec ses excréments blancs plus éblouissants que les paroles d’ermites. Je n’ai jamais lu de définition satisfaisante de l’amour. Je n’en lirai jamais.

Ta main sur une page a souligné quelques mots au crayon. Aucune gomme pour effacer ce tremblement de terre.

Même après toutes ces années dans ton joli cimetière de campagne, ton visage revenant a le vif d’une rose de jardin. Aux modernes qui ne savent que compter, j’oppose la lente passion des nuages, les heures ardentes au chevet d’une phrase, et ton visage quand une crédulité le visitait.

Le manque est la lumière donnée à tous.

Il faut que la vie nous arrache le cœur sinon ce n’est pas la vie

Le sourire est la seule preuve de notre passage sur terre. Le manque est la lumière donnée à tous.

Ce qui s’enfuit du monde c’est la poésie. La poésie n’est pas un genre littéraire, elle est l’expérience spirituelle de la vie, la plus haute densité de précision, l’intuition aveuglante que la vie la plus frêle est une vie sans fin

Les calculs ont remplacé la grâce. La contemplation des chiffres épuise l’âme. Ils sont à plaindre, les yeux du monde

Il y a entre toi et moi une adorable barrière. C'est ta mort qui l'a construite. Son bois est du silence. Il n'est pas épais. Un rouge-gorge s'y pose.