Les voix sont ce trésor que les gens vous donnent, même les avares. Ce que la mort ne pourra capturer, ni une machine d'enregistrement. Car une voix, ce n'est pas que le souffle, les paroles, ni même les silences. Une voix, c'est le monde entier repeint par la personne. Comment depuis le berceau elle voit ce monde. Comment elle l'aménage ou le brûle.
Tu cherches à ce que rien ne finisse jamais, jamais, jamais. L'oeuvre faite, Pierre, c'est la mort. La peinture achevée, le livre fini. Mais le lecteur vient et réécrit le livre, mais le regardeur vient et repeint le tableau.
Comment je t'écris : j'enfonce ma tête dans le
papier, je creuse une galerie, quand je rencontre une
racine ou un rocher, je fais demi-tour, je repars ail-
leurs, chercher l'issue à ce voyage, à cette nuit, à la
vie entière.
… La tombe de Valéry n'est qu'un
parfum de collection évaporé depuis longtemps. On
dira un jour, dans le cimetière marin dévaléryrisé : « Ici
il y a la tombe du vrai poète, Soulages. » Seul importe
de voir à une vitesse infiniment plus grande que celle
de notre mort. Cet éclair qui éclate dans ton atelier
est un geste d'écriture.