Par instants je pense que nous ne mourrons jamais. À d'autres instants je pense que nous sommes plus perdus que des jouets dont un enfant ne se sert plus. La vérité, qui peut la dire ?
Il y a une heure où, pour chacun de nous, la connaissance inconsolable entre dans notre âme et la déchire. C'est dans la lumière de cette heure-là, qu'elle soit déjà venue ou non, que nous devrions tous nous parler, nous aimer et même le plus possible rire ensemble.
L'amour est le miracle d'être un jour entendu jusque dans nos silences, et d'entendre en retour avec la même délicatesse : la vie à l'état pur, aussi fine que l'air qui soutient les ailes des libellules et se réjouit de leur danse.
Il n'y a pas de plus grand malheur sur cette terre que de n'y trouver personne à qui parler et nos bavardages, loin de remédier à ce silence, ne font la plupart du temps que l'alourdir.
J'ai trouvé Dieu dans les flaques d'eau, dans le parfum du chèvrefeuille, dans la pureté de certains livres et même chez des athées. Je ne l'ai presque jamais trouvé chez ceux dont le métier est d'en parler.
Quand on regarde hâtivement une chose belle - et toutes les choses vivantes sont belles parce qu'elles portent en elles le secret de leur prochaine disparition - on a envie de la prendre pour soi. Quand on la contemple avec la lenteur qu'elle mérite, qu'elle appelle et qui la protège un instant de sa fin, alors elle s'illumine et on n'a plus envie de la posséder : la gratitude est le seul sentiment qui réponde à cette clarté qui entre en nous.